Leur heure avait sonné.
Elles le sentaient, elles le savaient.
Un événement s’était produit dans le monde extérieur, un holocauste que les créatures ne comprenaient pas ; pourtant leur instinct leur disait que l’adversaire tant redouté n’était plus le même, qu’il avait été atteint, affaibli. Les créatures avaient tenu compte de l’expérience de celles qui s’étaient cachées dans les tunnels, tuant et se nourrissant des humains, satisfaisant ainsi un désir qui sommeillait en elles depuis bien des années, refoulé parce que leur survie dépendait précisément de ce refoulement. La soif de sang s’était ranimée et se déchaînait.
Et les tunnels, les égouts, les conduits, les trous noirs dans lesquels elles s’étaient embusquées, sans connaître ni désirer une existence différente, s’étaient effondrés, laissant l’univers de la lumière empiéter sur leur sinistre royaume.
Furtivement elles montèrent à la surface, humant l’air, intriguées par le bourdonnement incessant, émergeant sous la pluie qui imprégnait leur pelage hérissé. D’abord, l’éclat de la lumière aveugla leurs yeux perçants, bien que le ciel ait pris un ton gris peu naturel ; timides, craintives, elles avançaient à petits pas, encore à l’abri du regard humain, encore apeurées devant leur adversaire de toujours.
Les bêtes, au pelage noir zébré par la pluie, sortirent de l’ombre et se faufilèrent en grand nombre dans la cité en ruine, à la recherche de nourriture. De chair fraîche. De sang chaud.